Le samedi 10 mars nous nous sommes retrouvés au Max Linder, à la projection de "Fragile(s)" pour l'équipe du film. C'est un moment à la fois touchant et étrange de retrouver toutes ces personnes qui ont apporté leur savoir-faire, leur enthousiasme à la construction de mon film. On se hèle sur le trottoir, on s'embrasse, on se donne des nouvelles en deux mots. Les sourires sont là, on se regarde, vaguement gênés, parce que les retrouvailles nécessitent toujours un temps d'adaptation, pour renouer le fil d'une aventure déjà finie, chercher la complicité de ces moments passés ensemble et qui ne sont plus. On ne sait trop quoi dire. Alors tous me demandent si je suis content. Je réponds "oui, bien sûr", essaie d'y mettre le ton, mais surtout je n'arrive pas à leur dire que pour moi, le travail s'achève. Le film est définitivement fini. Comment expliquer que la satisfaction se dispute à la tristesse… Si la joie et l'envie impérieuse de le montrer enfin au public l'emportent, commence pour moi un long travail de deuil. Mais de cela je n'ai pas à en parler à ce moment précis. Alors je passe de l'un à l'autre, heureux de prendre des nouvelles de chacun et me garde bien d'étaler mes états d'âme. Tous me connaissent, je suis le réalisateur, le "réal" comme ils disent, et moi je les connais tous aussi : techniciens, comédiens, dresseurs, ils sont plus d'une centaine, cent cinquante sans doute. Presque au complet. L'équipe de production (sous la houlette de Claire et de Clara) ont tout prévu pour cette projo. Il est temps de rentrer dans la salle, je pousse mes troupes. Chacun reçoit un petit bout de pellicule du film, une seconde environ, soit 24 images en souvenir (regardez donc le making of! Là, c'est en dessous de ma note!). Quelques mots pour présenter le film et la projection démarre. Me sens un peu mal. Voir le film sur un si grand écran m'impressionne un peu. M'efforce de rester concentré mais ne peux m'empêcher de regarder les spectateurs. Essaie de le faire le plus discrètement possible. Peux pas me retourner complètement tout de même. Gigote sur mon siège et tente un regard de côté, un peu le même que je lançais quand j'étais lycéen aux filles que j'invitais au cinéma. Un regard pour tester. Un regard minable. Avant d'essayer de les embrasser. Là je jette le regard. Mais n'embrasse personne.
Voilà c'est fini. Le générique défile. La seule projo où le public reste assis jusqu'à la fin. Me sens tout chose. Voilà, ils l'ont vu.
Petite collation organisée au bar du cinéma. Tout le monde semble très touché. Je recommence mon papillonnage. Ne reçoit que des compliments. Me méfie des compliments. Mais les garde tout de même au chaud dans un coin de mon cœur. Ils m'aideront à tenir jusqu'à la sortie du film. Le 20 juin donc. J'ai un peu le spleen là. Forcément. Sara Martins et Elodie Yung, mes petites souris, sont là. Elles ont vu le film pour la seconde fois. François Berléand vient de le découvrir. Ils sont contents. Au-delà des mots, je le sens. Je le sais. J'ai envie de leur dire attendez ce n'est pas encore fini, attendez, refaisons un film ensemble, j'ai plein de projets, repartons à l'aventure, recommençons tout mais ne me laissez pas tout seul comme ça. Vous me manquez. Vous me manquez déjà.
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