Terrible...
...l’enchaînement des nuits de tournage. Tout le monde est décalé. Je me suis réveillé aujourd’hui à 14 heures, trop tard pour le petit déjeuner de l’hôtel. J’ai donc avalé un café rapidement au bar, avant de manger ma petite salade végétarienne, parce que le reste ne passe pas.
Hier nous avons commencé le tournage à 19 heures dans une petite tasca (un tout petit restaurant populaire portugais). Nous avions trois décors différents à tourner dans la même nuit. Les nuits étant courtes il nous était impossible de finir avant le lever du jour. Nous avons donc triché la nuit à 19 heures en « borgniolant » la vitrine du bar pour empêcher le jour de passer. Nos axes de caméra n’étaient jamais dans cette direction, mais plutôt centrés vers le comptoir et la salle du petit restaurant. Tout allait bien à part la chaleur des projos et le sentiment d’enfermement dans un espace aussi restreint.
C’était une première partie de scène assez calme, où les personnages de Paul et Sara arrivent enfin à se parler. Lorsque nous sommes sortis de cet endroit, la nuit tombait sur Lisbonne, c’était parfait pour notre deuxième décor, cette fois-ci d’extérieur, un point de vue en hauteur sur les docks de la ville et le Tage. Le lieu est proche de la Tasca ce qui évite de bouger les camions de matériel ce qui nous fait toujours perdre un temps fou.
Le problème des extérieurs est la gestion des alentours. Notre scène est très dialoguée nous sommes donc dépendants du bruit environnant. La circulation de la route à côté du lieu de tournage est bloquée par la police pendant les prises, et les trains en contrebas ne passent que toutes les demi-heures. Mais la régie du film ne peut pas tout contrôler. Les klaxons d’automobilistes mécontents, par exemple, ou bien les groupes de piétons bruyants. L’ingénieur du son, Jean Paul est donc obligé de s’adapter. Nous avons posé la caméra sur un rail pour effectuer un long travelling vers les comédiens. La scène dure à peu près une minute trente et je ne compte pas faire d’autres plans. Il faut donc que l’intégralité de la scène soit parfaite : jeu des comédiens, avancée de la caméra, et surtout le son.
Nous nous arrachons les cheveux à refaire des prises : Tantôt nous avons mal calculé notre temps, et un train passe derrière nous, couvrant la voix des comédiens ; tantôt une voiture en stationnement part en marche arrière (le pire pour un ingénieur du son), tantôt des piétons derrière nous, malgré notre demande se mettent à rire et parler fort et nous bousille notre prise. Il faut s’armer de patience et jouer aussi sur la chance.
La dixième et la 11ème prises sont les bonnes,
c’est dans la boîte, il est minuit trente et nous quittons le lieu direction le bairro alto, un quartier animé de Lisbonne pour tourner la dernière scène de la nuit avec toujours Sara avec cette fois-ci Elodie Yung qui est revenu à Lisbonne pour tourner avec nous ces scènes. Nous partons en éclaireurs Sylvain (le 1er assistant), David, le chef Op’, les filles et moi, pendant que l’équipe range le matériel et organise le déplacement : 30 personnes à bouger plus trois camions de matériel. Il s’agit pour nous de gagner du temps au maximum, de caler le plan-séquence (encore…) avant l’arrivée de l’équipe pour que David puisse donner des instructions pour la lumière. Nous essayons de profiter du lieu mais il faut forcément éclairer un peu.
Ici, caméra épaule, Sara et Isa (Sara Martins et Elodie Yung) parlent au comptoir du bar bondé et sortent dans la rue tout en continuant leur conversation. Le plan est caméra sur l’épaule, et nous passons directement de l’intérieur à l’extérieur. Sylvain doit gérer la figuration nombreuse pour donner l’impression de lieu bondé. Le matériel arrive une heure après nous. Nous profitons du temps d’installation de la lumière pour embarquer les filles et tenter un plan volé dans une rue animée au-dessus. Nous planquons la caméra dans un hall d’immeuble, en face de bars bondés.Les jeunes commandent au bar et boivent leur bière dans la rue même. Ambiance du sud chaleureuse et décontractée : parfait pour le début de la scène du bar. C’est l’affluence et je ne pourrais jamais espérer reconstituer cette ambiance avec le nombre de figurants que j’ai, pour cette raison nous décidons de tricher un peu, de voler un plan et de faire évoluer les filles au milieu de la foule ; nous les filmerons de loin.
Ce qu’il faut alors éviter dans ces moments-là c’est de se faire repérer par les badauds. Nos machinistes portugais se placent devant la caméra pour la dissimuler, par talkie nous donnons le top aux filles pour descendre la rue. Et hop le tour est joué ! Quand nous revenons dans le bar, la lumière est presque terminée, je répète leurs actions avec Sara et Elodie et puis nous commençons à tourner enfin vers trois heures du matin. Mais les déplacements des figurants doivent sans arrêt être corrigés, nous perdons un temps fou et les filles leur énergie, au bout d’un moment le jeu n’est plus là, je ne vois dans la scène qui se déroule devant mes yeux qu’une mécanique de déplacement et un texte dit sans intention. Les filles commencent sérieusement à fatiguer, elles se crispent, il faut faire une petite pause. Le métier de comédien est terrible, le moindre grain de sable enraye la machine, le doute s’instaure : Il me faut les rassurer et comprendre les raisons de leurs difficultés.
Au bout d’un petit moment nous réalisons : je leur ai demandé de parler fort, car la scène se déroule dans un bar bondé, mais bien évidemment pendant les prises, les figurants ne parlent pas, il règne un certain silence sur le plateau, ce qui donne à la scène un petit côté faux. En plaçant leur voix les filles ne sont pas à l’aise, elles ont l’impression de surjouer. Je corrige le tir et leur demande de parler normalement, au montage nous réglerons les ambiances en fonction d’elles. Sara et Elodie retrouvent instantanément leurs marques et les prises suivantes sont les bonnes. Problème résolu ! Nous finissons épuisés à quatre heures trente du matin. Les filles veulent encore tourner, elles doutent toujours. J’essaye de les rassurer, qu’elles me fassent confiance, moi j’ai vraiment toutes les images qu’il me faut. Nous buvons une petite bière au bar pendant que l’équipe range le matériel. Nous l’avons bien mérité ! Incroyable ces filles, toujours prêtes, toujours là à vouloir donner plus encore. Merci à vous mesdemoiselles Yung et Martins.
Un truc qui n'a rien à voir,j'adore Jacques Gamblin!je ne sais pas humainement dans la "vraie vie", mais à l'écran c'est justement ce qu'il dégage de fragile qui le rend si humain et attachant!
Berleand à une fragilité caché, et Daroussin ne semble pas fragile... j'ai dit "ne semble pas".
Rédigé par : walden | 24 juillet 2006 à 04:39
moi je crois qu'on l'est tous. Par moments, par instants. La vie est fragile. Je ne sais pas si mes comédiens le sont vraiment, sans doute, mais ce qu'ils dégagent me plaît, ce que je vois dans leurs yeux. Finalement l'assurance n'a rien d'intéressant. Evidemment.
Rédigé par : MV | 24 juillet 2006 à 10:43
J'ai eu le plaisir de découvrir Fragile(s) hier soir à Lille en avant-première. Un grand merci à son réalisateur qui est parvenu à exprimer la fragilité de ses personnages, tout en gardant une pointe d'humour. Merci également à Sara Martins pour sa gentillesse lors de la rencontre après le film. Sourtout, courez dans les salles dès le 20 juin !!!
Rédigé par : Juliette59 | 05 juin 2007 à 13:56