Fragile(s), le Blog du réalisateur, avec François BERLEAND, Marie GILLAIN, Jean-Pierre DARROUSSIN, Jacques GAMBLIN ...

L’équipe au complet

Cela fait déjà une semaine. Une semaine de silence et de travail. Alors voilà je reviens avec une photo que je voulais depuis longtemps mettre en ligne : la fameuse photo d’équipe, prise le dernier jour de tournage, devant l’église Saint-Eustache, à côté du restaurant dans lequel nous tournions la scène de dîner entre Hélène (Caroline Cellier) et Vince (Jacques Gamblin). Pascal Chantier, notre photographe de plateau (à qui nous devons de si jolies photos) nous a réuni au prix d’un effort considérable (on ne rassemble pas facilement une cinquantaine de personnes en train de travailler). D’ailleurs il est là, au premier plan, accroupi, à gauche de Caroline Cellier. La photo a été prise juste avant la pause dîner. Nous avions commencé à tourner de jour dans le restaurant, en démarrant les plans dos aux fenêtres pour tricher la nuit. En effet il est facile de tricher une ambiance nuit de jour, en intérieur, il suffit pour cela de borgnioler, comme on dit, c’est-à-dire d’empêcher la lumière du jour de pénétrer par les fenêtres qui sont derrière la caméra en les calfeutrant avec de grands pans de tissus noirs. Le chef opérateur, recrée ensuite une lumière artificielle, ambiance nuit dans le décor même.

Quand, par contre, les fenêtres sont dans le cadre, c’est-à-dire à l’image, là il faut attendre que le jour tombe. On peut ainsi commencer à filmer, comme nous l’avons fait ce jour-là, de jour dans un axe de caméra, et attendre la nuit pour faire les contrechamps sur les ouvertures extérieures. Bon, je ne sais pas si je suis très fort dans les explications techniques, moi. Peu importe, je voulais surtout parler de la photo, de tous ces gens que l’on ne voit jamais d’habitude. Je me souviens d’un court-métrage de Kassovitz où la dernière image du film est celle de l’équipe réunie devant la caméra, quelques secondes volées à l’histoire. Et j’avais trouvé l’idée plutôt sympa. Jusqu’à présent sur le blog on a vu des photos de l’équipe de manière un peu dispersée. Comme le travail de chaque technicien est une petite pierre apportée à l’édifice de construction d’un film, que souvent nous dépendons tous du travail de chacun en amont, et bien réunir l’équipe de tournage sur une même photo, je trouve cela chouette (ouais, je sais j’arrête pas de dire « chouette » sans arrêt…, mais je trouve pas d’autres mots… J’ai un vocabulaire limité. Et désuet, je sais…)

Antoine

Antoine nous envoie ce morceau.

Voilà un nouveau morceau dans la Playlist, soyez nombreux à nous en envoyer, nous attendons vos interprétations de "Fragile(s)" !

Son adresse   [email protected] 

Demain nous allons attaquer la dernière scène du film

Jeudi, je suis revenu dans la salle de montage après mon escapade basque. Pendant ce temps Raphaële avait travaillé d’arrache-pied. Et vendredi nous nous sommes quittés, Raphaële et moi sur une impression étrange, nous avions presque fini notre premier montage, nous étions presque au bout du film, ce soir-là nous étions émus comme des gamins. Les premiers spectateurs de cette fin qui conduit les personnages du film à enfin se croiser, chacune de leur histoire se terminer. Nous commencions à boucler la boucle. Nous avons passé un certain temps avec chacun des personnages du film et nous mettions un terme à leur histoire. Mais nous n’étions pas seulement touchés par l’aventure du montage, mais plus par l’attachement que nous avions porté à Sara, Paul, Nina, Yves, Hélène et Vince, leurs doutes, leurs fragilités, leur impatience, leur envie de vivre et de rechercher le bonheur. L’histoire commence à nous dépasser, elle est là, elle vit et nous n’en sommes plus que les spectateurs privilégiés.

J’adore ce moment où chacun des protagonistes existe, où mon rôle n’est plus que de les accompagner et de les regarder vivre. Nous sommes des passeurs d’histoire. Lundi, une petite séquence, la dernière. Il nous restera alors qu’un long mois pour arranger tout cela, corriger les petites erreurs, améliorer le rythme du récit. Un mois et demi sans doute pour boucler le montage des images. Et commencer le montage son, c’est-à-dire ajouter à chaque scène l’ambiance des lieux qui donnera encore plus de vie à l’ensemble, puis rajouter quelques enregistrements de bruitage, travailler le son des directs, peut-être post-synchroniser une ou deux scènes avant le mixage de l’ensemble, c’est-à-dire équilibrer tous les sons, les voix, la musique du film. Dernière étape. Mais je vous expliquerai tout cela. Pour l’instant je me laisse porter par l’émotion de cette fin de premier montage. C’est bien la première fois que j’ai hâte d’être lundi matin.

Retour sur les moments forts...

Un petit mot aux nouveaux lecteurs, vous trouverez dans les archives du blog toutes les notes depuis le début du tournage (Juillet) ainsi que tout le déroulement du carnet de route du réalisateur (dans la rubrique "Blog du réalisateur"), tous ses billets d'humeur, ses écrits sur le tournage et les photos du Portugal jusqu'à Paris...
Bonne lecture.

Cinq jours au vert : À Saint-Jean de Luz exactement.

Cinq jours pour couper pendant que Raphaële continue le travail. Cinq jours nécessaires que j’aurais du prendre tout de suite après le tournage, mais bon, on ne se refait pas. J’ai présumé de mes forces. Je me suis cru plus costaud que les autres.
Petit hôtel donc devant la mer. Temps magnifique, 25° l’après-midi, les gens sur la plage, et puis dans l’eau aussi, un temps d’été, une chance incroyable. Je me retrouve comme Paul (François Berléand) mon personnage de « Fragile(s) » obligé d’acheter un maillot de bain. Et allez trouver un maillot de bain hors saison, même à Saint-Jean de luz ! J’ai trouvé un vieux truc bleu marine qui a dû être à la mode dans les années 60, et vendu à un prix prohibitif ! Mais peu importe, j’ai pu paresser sur la plage en pensant à vous tous, qui êtes restés à Paris et cela m’a soudain rendu incroyablement heureux. Par le plus grand des hasards je me suis retrouvé là-bas pendant le festival des jeunes réalisateurs. C’est drôle parce que trois ans auparavant mon film « les amateurs » était à l’affiche du festival. Et pour tout vous avouer il s’agissait de sa première projection publique. Les souvenirs me sont revenus aussi sec : 500 personnes, un écran immense (bon le son était pas top…) et l’angoisse m’étreignait la gorge. Je me souviens d’avoir retenu ma respiration jusqu’aux premiers rires de l’assistance. Un vrai bonheur. Aujourd’hui je me contente d’acheter du touron et des espadrilles en repensant à cela. Vous ressentez une émotion intense lorsque votre film est projeté pour la première fois. Soudain vous vous rendez compte qu’il ne vous appartient plus. Qu’il va vivre sa vie sans vous. L’impression, je pense, est celle d’un père qui s’aperçoit que son enfant est grand et qu’il n’a plus besoin de lui pour affronter le monde...

...J’attends et redoute ce moment pour « Fragile(s) »

Ce film me coûte beaucoup. Davantage que « les amateurs ». D’abord parce que vous avez moins le droit à l’erreur sur un second long-métrage, ensuite parce que le thème du film sans cesse me ramène à mes propres interrogations. Tous les moments de doute et d’incertitude des personnages (qui sont le thème même du film : ces moments de fragilité que nous rencontrons tous à un moment de notre vie) me ramènent aux miens. Chacun des personnages est un peu moi, forcément. Et en même temps je suis fasciné par la manière dont les comédiens se sont approprié les personnages. Elodie (Elodie Yung, qui joue le personnage d’Isa, la copine de Sara) est passée au montage jeudi dernier, en voyant le début du film elle m’a dit : « cela donne envie de voir ton film, Martin ». Quelque chose dans la formulation m’avait choqué et je n’arrivais pas à savoir quoi. Je le sais maintenant : Non, Elodie, ce n’est pas mon film, c’est le nôtre. Le nôtre. Je fais un film pour partager ce moment d’aventure avec vous. Il prend chair grâce à vous. Un réalisateur, un scénario ne sont rien sans les comédiens. De la même manière si les comédiens sont mauvais, le réalisateur ne peut s’en prendre qu’à lui. Il les a choisis, les a dirigés. Le succès se partage, jamais l’échec. Ce qui accentue la pression, je vous l’accorde. Ce sont les règles du jeu.
Pour l’instant, soleil, bain de mer et un peu casino. Et oui, Loïc vient me rejoindre lundi et nous avons décidé de financer mon prochain film grâce aux largesses du casino de Saint-jean de Luz. Bon, je ne compte pas sur cette seule opportunité, mais allez savoir…
Je vous tiendrai au courant.
Bons baisers du pays basque.
Martin

Jacques Gamblin

Concentré, en pleine préparation pour le jeu, l'intensité est à son maximum...

Hier, journée de montage type :

10 heures : Arrivée à la salle de montage (les versions divergent, certaines mal intentionnées diraient plutôt que mon arrivée est légèrement plus tardive, mais je m’en fous, moi, je me fie à ma montre, qui retarde peut-être je l’avoue)

10 heures 02 : Petite bise à Raphaële et Amandine

10 heures 04 : Je m’écroule dans le canapé. Raphaële veut me montrer ce qu’elle vient de monter.

10 heures 05 : Vais me chercher un café avant de lui répondre.

10 heures 07 : La machine à café m’avale toute la monnaie, la journée commence mal. Amandine vient me sauver. Elle a peur que j’attaque la machine à grand coup de pied (suis de mauvaise humeur le matin, bon ça arrive quoi…)

10 heures 10 : J’allume une cigarette, tout le monde râle, je l’éteins.

10 heures 11 : Raphaële me montre son travail du matin, j’en profite pour rallumer ma cigarette en douce.

10 heures 13 : (ben ouais 10 heures 12, elle peut pas monter plus d’une minute en une demi-heure non plus, vous croyez qu’elle arrive à sept heures du mat’, Raphaële, ou quoi ?). Visionnage fini, je planque ma clope sous la table, et on discute.

10 heures 14 : Me fais gauler avec ma clope, suis puni à la fenêtre. Il commence à faire froid, je râle.

10 heures 15 : On visionne les prises d’une nouvelle séquence.

11 heures 15 : On visionne toujours les prises. J’ai les yeux explosés. J’ai une idée. Raphaële est pas d’accord.

11 heures 17 : Raphaële a une idée. suis pas d’accord.

11 heures 19 : Raphaële me propose un café, suis entièrement d’accord.

11 heures 30 : On revisionne les prises, j’ai envie de me jeter par la fenêtre. Raphaële me dit de repasser les jambes derrière le parapet, qu’on fait un film formidable et puis de toute façon qu’on est au rez-de-chaussée.

11 heures 40 : On tombe d’accord.

Midi 08 : La scène est montée, me suis endormi sur le canapé, me fais engueuler.

Midi 10 : Raphaële part aux toilettes. En profite pour faire deux-trois corrections. Plante la machine. Dis que c’est pas moi, personne me croit. Me fais de nouveau engueuler.

Midi trente : Propose d’aller déjeuner. Personne m’écoute.

Hier, journée de montage type (la suite) :

13 heures : La scène est peaufinée. Elle est vachement bien. Je dis rien, je boude.

13 heures 30 : Les filles vont déjeuner. Veulent pas me laisser seul dans la salle de montage (rapport au plantage de la machine). Suis obligé de les accompagner.

14 heures 30 : Retour en salle de montage. La lasagne végétarienne sur l’estomac. Ai mal au cœur.

17 heures 30 : Me réveille en sursaut sur le canapé : Amandine place de la musique sur une séquence. Ai eu la peur de ma vie. Crise de tachycardie.

17 heures 35 : Décide d’appeler au téléphone tous mes amis avant de mourir.

17 heures 39 : La crise est passée. De toute façon j’ai pas d’amis. Du coup m’intéresse au montage.

17 heures 50 : Ai de nouveau une idée. Raphaële est pas d’accord. Ça y est je saute par la fenêtre.

17 heures 55 : Ai mal à la cheville droite. Fais le tour du bâtiment pour revenir dans la salle de montage.

18 heures : Promets d’être sage contre une cigarette.

18 heures trente : Visionnage de la journée de travail.

19 heures : Suis super content. Fais des bonds partout, ai de nouveau plein d’idées.

20 heures : Les filles coupent la lumière, Je rentre chez moi. Décide de m’acheter du Voltarène. (Pour la cheville). Et allume trois cigarettes d’un coup.

Je sais que l’on tient là le cœur du film

Les trois histoires commencent à résonner dans nos têtes. Chacune a son rythme propre. Nous passons un temps fou sur certaines séquences à choisir les prises. Je sais que c’est bon signe. Chacune des histoires a sa petite musique intérieure. Il me tarde d’avoir une vision d’ensemble.

Denis nous livre régulièrement de nouvelles musiques. L’homme est prolixe. Cela nous permet d’avoir une grande liberté de choix avec Raphaële. Quand nous arrivons à placer un morceau, nous faisons le point avec Denis sur sa durée exacte, et d’éventuelles modifications instrumentales. Denis retourne alors au travail dans son studio. Je parlerai plus tard de notre manière de travailler avec Denis. Je retarde un peu le moment. Par pudeur. Car il sera le premier à lire mes phrases puisque c’est lui qui les mettra en ligne. On a toujours du mal à parler d’un frère.