Fragile(s), le Blog du réalisateur, avec François BERLEAND, Marie GILLAIN, Jean-Pierre DARROUSSIN, Jacques GAMBLIN ...

Hier, journée de montage type (la suite) :

13 heures : La scène est peaufinée. Elle est vachement bien. Je dis rien, je boude.

13 heures 30 : Les filles vont déjeuner. Veulent pas me laisser seul dans la salle de montage (rapport au plantage de la machine). Suis obligé de les accompagner.

14 heures 30 : Retour en salle de montage. La lasagne végétarienne sur l’estomac. Ai mal au cœur.

17 heures 30 : Me réveille en sursaut sur le canapé : Amandine place de la musique sur une séquence. Ai eu la peur de ma vie. Crise de tachycardie.

17 heures 35 : Décide d’appeler au téléphone tous mes amis avant de mourir.

17 heures 39 : La crise est passée. De toute façon j’ai pas d’amis. Du coup m’intéresse au montage.

17 heures 50 : Ai de nouveau une idée. Raphaële est pas d’accord. Ça y est je saute par la fenêtre.

17 heures 55 : Ai mal à la cheville droite. Fais le tour du bâtiment pour revenir dans la salle de montage.

18 heures : Promets d’être sage contre une cigarette.

18 heures trente : Visionnage de la journée de travail.

19 heures : Suis super content. Fais des bonds partout, ai de nouveau plein d’idées.

20 heures : Les filles coupent la lumière, Je rentre chez moi. Décide de m’acheter du Voltarène. (Pour la cheville). Et allume trois cigarettes d’un coup.

Je sais que l’on tient là le cœur du film

Les trois histoires commencent à résonner dans nos têtes. Chacune a son rythme propre. Nous passons un temps fou sur certaines séquences à choisir les prises. Je sais que c’est bon signe. Chacune des histoires a sa petite musique intérieure. Il me tarde d’avoir une vision d’ensemble.

Denis nous livre régulièrement de nouvelles musiques. L’homme est prolixe. Cela nous permet d’avoir une grande liberté de choix avec Raphaële. Quand nous arrivons à placer un morceau, nous faisons le point avec Denis sur sa durée exacte, et d’éventuelles modifications instrumentales. Denis retourne alors au travail dans son studio. Je parlerai plus tard de notre manière de travailler avec Denis. Je retarde un peu le moment. Par pudeur. Car il sera le premier à lire mes phrases puisque c’est lui qui les mettra en ligne. On a toujours du mal à parler d’un frère.

Je cherche un truc à raconter,

quelque chose d'intéressant, en rapport avec le thème du blog, mais bon, je vois rien. Alors je me dis qu'il ne faut pas se forcer, qu'il faut laisser venir, que les mots souvent viennent d'eux-mêmes et s'ils ne viennent pas, ma foi, c'est qu'ils ont d'autres choses à faire ce soir que de s'aligner sur mon écran d'ordinateur. Une fête quelque part peut-être une surboum de mots loin de chez moi, loin de mon clavier et de mes doigts agiles qui restent plantés là, au-dessus, on dirait des serres qui guettent leurs proies, mais pas de bol je vous dis, les mots ont foutu le camp loin d'ici. Alors je patiente, en chope quelques-uns tout de même pour faire ces phrases que vous lisez, mais ce sont des mots malades, les plus faibles de la troupe, ceux qui sont restés et n'ont pu fuir d'ici avec le gros du bataillon, ceux qui ne voulaient sans doute pas danser ce soir avec leurs copains, à la grande surboum des mots celle qui a lieu je ne sais pas où mais en en tout cas loin d'ici, loin de mon crâne, de chez moi, de mon quartier, de mon univers. Ce sont des mots pourris, les plus faibles, les moins bien portant, ceux avec lesquels on tape à peine une lettre de réclamation à France Télécom; Ceux que j'assemble comme je peux pour écrire ces phrases qui n'ont aucun sens.
Tiens, je vais plutôt recopier ça, les mots d'un autre :
    "lorsque nous n'avons plus pour respirer
    que l'air écrasé de nos baisers,
    le jour qui nous sépare à beau faire,
    il n'arrive pas à être aussi nu que toi."
    Lucien  Becker Les dimensions du jour, in Poésies complètes.

une idée ?

Je ne sais pas si tout cela à un vague rapport avec mon film mais j'aime à le croire. Et puis je m'en fiche après tout. Parce que je suis de mauvaise humeur. Et c'est comme ça. Je sais, c'est pas très marketing, deux trois anecdotes bien sentie sur la semaine de montage aurait été plus judicieuse comme note de fin de semaine mais les mots sont absents. Je le sais bien, j'ai essayé de travailler deux heures durant le scénario sur lequel je planche. Et bien ces déserteurs avaient déjà foutu le camp. Rien, je suis resté sec. J'ai bien essayé de me rabattre sur les idées, ça mange pas de pain une idée, on a toujours une idée derrière la tête, il suffit de se retourner brusquement, et hop, l'idée derrière la tête, elle a pas le temps de suivre le mouvement, elle se retrouve devant la tête, au niveau du front exactement, et on arrive à l'attraper. Ben je sais pas comment j'ai fait mais même celle-là j'ai pas réussi à la choper. Pas d'idée, pas de mot, j'ai cru mourir d'ennui et de dépression. Alors ce soir comment voulez-vous que je sois de bonne humeur? Tiens je vais plutôt aller fumer une cigarette. Ouais, je sais, je t'avais dit que j'arrêterai de fumer…

5 octobre 2006, petit cours de montage aux apprentis réalisateurs

Quoi que l'on vous dise au tournage sachez que :
    - Au montage, tout est possible, sauf celui d'inventer un plan que vous n'avez pas tourné. (Hé oui! Ne jamais l'oublier!)
    - Une prise bien cadrée, bien éclairée, et parfaite au jeu, c'est le nirvana.
    - Une prise mal cadrée, mal éclairée mais parfaite au jeu, c'est bien aussi.
    - Une prise bien éclairée, bien cadrée mais dans laquelle les comédiens ne sont pas dedans, c'est rien, c'est poubelle, et sans aucun regret. Comme quoi évidemment de jolis plans n'ont jamais fait un bon film.
    - L'image vaut le son et vice-versa. (Sauf si l'on fait du cinéma muet, ou de la radio)
    - Un chien dans un film, c'est chiant à monter. Un chien et un bébé, c'est l'enfer…
    - Plutôt que se demander si le plan est joli, se demander ce qu'il raconte !
    - Quand une prise est floue dans une salle de montage, elle le sera encore plus sur un écran de cinéma de 3 mètres sur 10…
    - L'image vaut le son (oui, je sais, je l'ai déjà dit mais ça vaut le coup de le répéter…)

Petit cours de montage aux apprentis réalisateurs 2

   - Ne jamais asservir le jeu des comédiens aux contraintes de la lumière, mais bien l'inverse ! C'est-à-dire lors du tournage, faire éclairer en fonction de la mise en scène, et non pas mettre en scène en fonction de la lumière. C'est évident, mais bon pas pour tout le monde…
   - Ne jamais être complaisant, rester sobre. Ne pas hésiter à couper au montage. Trop long, malgré le dicton, c'est pas bon.
   - Qui rit au tournage, rit au montage… Ouais, bof, c'est pas toujours vrai. L'inverse non plus d'ailleurs. Dieu merci…
   - Penser à l'histoire, seulement à l'histoire… Et puis au sens de l'histoire aussi, un petit peu, ça aide…
   - Une monteuse n'est jamais là pour vous pourrir la vie. Mais c'est pas Gérard Majax non  plus, elle  fait ce qu'elle peut avec les images qu'elle a…
   - Mais quand la même monteuse vous dit qu'elle prend son pied en montant certaines scènes de votre film, alors là vous pouvez allumer une cigarette et aller la fumer sur le trottoir, le nez au vent, le sourire aux lèvres et l'air vaguement satisfait, ce qui vous donne un air d'imbécile heureux.

L'interview de Martin Valente sur pointblog

Je vous donne le lien, si vous voulez voir la première interview du réalisateur, à propos du blog, sur "pointblog", dans les lieux mêmes du montage, il explique les pourquoi du comment...

Interview de Martin Valente

A bientôt sur le blog,

Denis.

Encore un peu d'extérieur, avant l'hiver !

Martin Valente en compagnie de notre ravissante Sara Martins, Sara dans le film.

Ils en ont de la chance ces réalisateurs...

Il y a quelques temps encore... Il faisait beau !

Souvenirs proches du tournage, François Berléand est très concentré sur son texte, sous l'oeil bienveillant du réalisateur. On sent que le courant passe entre eux et qu'il ne faudra pas beaucoup de prises pour arriver au résultat final.

Nous allons profiter de la lente entrée dans l'automne pour vous faire revivre les moments forts de ces 2 mois passés.

Premier octobre, ouah…

J'ai l'impression de n'avoir rien vu passé et tout à la fois de porter le film comme un fardeau… Les comédiens sont partis pour d'autres aventures, l'équipe technique aussi, il ne reste plus que moi à m'acharner, à continuer le travail entrepris il y a déjà tellement longtemps. Pour le coup j'ai l'impression de rabâcher, d'être dans cette même humeur, bref de ne pas évoluer. De rester planté là avec mon film en chantier qui avance cahin-caha… À force d'y être plongé j'ai peur d'être vide. Vide de tout. Il faut dire que la fin d'un tournage est étrange : Tout le monde se sépare, recommence autre chose, reprend le cours normal de son existence sauf moi. Qui continue le travail commencé. Qui reste avec les personnages, les impressions, enfermé par la force des choses dans les souvenirs, ces moments forts que l'on voudrait tant revivre, ces instantanés, cette proximité, cette complicité, ce plaisir du jeu partagé. Rien ne s'éteint pour moi qui revit cette magie devant des écrans en salle de montage, devant ces scènes du film qui me rappellent tant de souvenirs. Je sais que certaines choses resteront plus que d'autres, qu'il n'y a pas toujours de l'éphémère dans tout cela. Je veux y croire. M'accrocher à cette pensée. Et je sais quoi. Précisément